L’histoire du climat cachée dans la cellulose des arbres

Une preuve supplémentaire que le climat se réchauffe bien :

Des chercheurs ont reconstitué les températures de printemps et d’été dans le nord de la France de 1596 à nos jours avec une précision inégalée.

La connaissance du climat des siècles passés en France progresse de façon remarquable. Elle est d’une précision croissante en termes de température et de plus en plus circonscrite géographiquement. Une équipe du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) basée à Gif-sur-Yvette vient de reconstituer les températures moyennes au printemps et en été dans la région de Fontainebleau de 1596 à nos jours (Climatic Change, juin 2009 ; Climate of the Past, vol. 4 n° 2, 2008). La courbe est bien corrélée avec celle fournie par les dates de bans de vendanges en Bourgogne.

Les recherches menées par Nathalie Etien et dirigées par ­Valérie Daux ont permis de montrer principalement trois choses. D’abord, il y a déjà eu à travers l’histoire des périodes de réchauffement. On le savait, mais pas avec autant de précision. C’est ainsi que la température a augmenté en moyenne de 1,8 °C entre 1674 à 1684, au beau milieu de ce qu’on appelle le petit âge glaciaire, une période froide qui a duré de 1650 à 1850. Curieusement, ce réchauffement est intervenu au beau milieu d’une période où l’activité solaire était plus faible qu’aujourd’hui et où il aurait normalement dû faire plus froid. Cette période qui a duré de 1645 à 1715 s’appelle le minimum de Maunder.

L’influence des rejets de gaz à effet de serre

Deuxième enseignement, il n’y a jamais eu dans le passé une aussi longue période d’augmentation des températures que celle que Météo France enregistre depuis 1980 (+ 1,8 °C en 20 ans si on s’ar­rête en 2000 comme les chercheurs l’ont fait, ou 2,7 °C en 29 ans, la tendance au réchauffement ne s’étant pas démentie depuis). «Le réchauffement que nous connaissons aujourd’hui est unique par sa durée», souligne Valérie Daux qui y voit la marque de ce qu’on appelle dans le jargon, le «forçage anthro­pique.» Autrement dit l’influence des rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Troisième enseignement enfin, toutes les températures estivales relevées avant la Convention météorologique mondiale de 1950 ont tendance à être surévaluées de 1 °C. Avant cette date, en effet, les thermomètres n’avaient pas de protection latérale pour les protéger contre le rayonnement solaire réfléchi par le sol. Plusieurs équipes européennes avaient déjà pointé ce biais historique. Cette correction a posteriori signifie donc que le réchauffement actuel est encore plus important par rapport au passé que les chiffres admis jusqu’alors pouvaient le laisser supposer.

Les travaux conduits par l’équipe du LSCE sont basés sur l’analyse des isotopes du carbone et de l’oxygène présents dans la cellu­lose des cernes de croissance des troncs des chênes de la région de Fontainebleau. Un travail de bénédictin qui a mobilisé Nathalie Etien pendant plus de trois ans. Dans ce type d’analyse, il faut d’abord séparer chaque cerne de croissance un à un. Ensuite, sous microscope, il faut séparer avec un scalpel le bois d’été (clair dans le chêne) du bois de printemps (plus sombre), produit par les réserves de l’arbre à la fin de l’été précédent. C’est dans le bois d’été seulement que l’on trouve la cellulose et les isotopes d’oxygène. Leur présence est directement liée aux températures qui règnent pendant les périodes de croissance de l’arbre.

Pour couvrir la période allant de 1596 à aujourd’hui, les chercheurs du LSCE ont analysé en tout 33 chênes. Quinze sujets abattus en 2000 couvrant une période allant de 1830 à 2000. Pour la partie plus ancienne, ils ont trouvé leurs archives dans les poutres du château de Fontainebleau : neuf poutres au plafond du théâtre couvrant la période 1748-1850 : quatre dans celui des petites écuries (1750-1596) ; deux dans la salle de bal (1743-1595) et trois dans le clocher (1698-1598).

Les informations sur le passé climatique permettent de comprendre la variabilité naturelle du climat du nord de la France et de l’Europe, quand l’homme ne rejetait pas encore d’énormes quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère comme aujourd’hui. Elles permettent aussi d’affiner les modèles d’évolution du climat.

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