Peut-on avoir en France, au sujet de l’exploration, de l’extraction et de l’exploitation des gaz et des huiles de schiste, un débat dépassionné et rationnel ? On peut se poser la question ! Peut-on faire l’économie d’un tel débat, d’un vrai débat technique et démocratique ? A l’heure où la dépendance au tout nucléaire est de plus en plus contestée, où le sans plomb flirte avec les 2 euros le litre, où la précarité énergétique s’affirme, sans oublier un éventuel conflit avec l’Iran qui pourrait entraîner les cours du pétrole vers de nouveaux sommets …
Assis sur un trésor (empoisonné) !?
Selon les premières études de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la France pourrait posséder les deuxièmes réserves de gaz non conventionnel* en Europe (bassin sud-est ou Causses-Cévennes) derrière la Pologne. Les pays de l’est, et plus récemment l’Allemagne et le Royaume-Uni, se sont engagés dans des études pour estimer leurs réserves. Ailleurs dans le monde, les États-Unis, qui ont dix ans d’avance, sont en passe de devenir des exportateurs de gaz après avoir été plusieurs décennies le premier importateur de la planète. La Chine lance de lourds investissements pour exploiter cette ressource (Total est en discussion avec Sinopec sur la création d’une coentreprise d’exploration et production), etc…
Alors peut-on encore refuser longtemps, sans en avoir vraiment débattu, les gaz et huiles de schiste ?
Ce débat va cependant peut-être avoir lieu à la faveur d’un nouveau décret publié jeudi 22 mars 2012 au grand dam des associations écologiques soucieuses, entre autres et non sans raisons, de la contamination des nappes phréatiques et opposées à l’exploration et à l’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels*.
* les hydrocarbures de roche-mère (gaz ou pétrole brut) sont dispersés au sein d’une formation de roche non poreuse (schiste argileux) qu’il faut fissurer pour les extraire contrairement aux hydrocarbures conventionnels qui sont accumulés dans une roche poreuse et perméable et extraits par un simple forage dans le réservoir.
Feu vert aux expérimentations …
Pour mémoire la France par la loi du 13 juillet 2011 a interdit d’explorer et d’exploiter le gaz de schiste et l’huile de schiste par fracturation hydraulique, mais a prévu la création d’une commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux.
Cette commission crée par le décret publié jeudi 22 mars 2012 doit évaluer, dans le cadre « d’expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique », les impacts, notamment environnementaux, de cette technique qui consiste à injecter de grandes quantités d’eau et de produits chimiques dans la roche. Elle doit aussi évaluer les risques des techniques alternatives.
La commission sera composée de 21 membres titulaires nommés pour trois ans, dont des représentants de l’Etat, d’associations écologistes, des industries concernées et des personnalités scientifiques.
En clair cette commission devra évaluer deux fois par an si l’exploration et l’exploitation des gaz et huiles de schiste peuvent se faire en toute sécurité pour l’environnement.
Place à la concertation et au dialogue
Dans son rapport d’étape publié également le jeudi 22 mars 2012, la mission lancée il y a un an et chargée d’éclairer le Gouvernement sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des hydrocarbures de roche-mère (gaz et huiles de schiste) souligne :
« Il serait dommageable, pour l’économie nationale et pour l’emploi, que notre pays aille jusqu’à s’interdire, sans pour autant préjuger des suites qu’il entend y donner, de disposer d’une évaluation approfondie de la richesse potentielle : accepter de rester dans l’ignorance d’un éventuel potentiel ne serait cohérent ni avec les objectifs de la loi POPE, ni avec le principe de précaution. Mais, pour ce faire, il est indispensable de réaliser des travaux de recherche et des tests d’exploration. »
Doit on explorer, exploiter les gaz et huiles de schiste ? Est-ce là la voie de la raison ? Quels sont les dangers pour l’environnement ? …
++ Rapport_provisoire_sans_annexe.pdf — Crédit photo – Flickr / Ownipics