Lorsque les températures chutent et que l’hiver s’installe, la plupart des insectes disparaissent de notre vue. Mais cela ne signifie pas qu’ils ont tous disparu. Pour survivre à cette saison rude, ces organismes ectothermes, incapables de produire leur propre chaleur corporelle, adoptent différentes stratégies adaptées à leur physiologie et à leur environnement.
Les stratégies de survie face au froid
Les insectes ont développé diverses stratégies pour faire face aux rigueurs hivernales. L’une des plus spectaculaires est la migration, qui consiste à se déplacer vers des régions plus clémentes. C’est notamment le cas du papillon monarque (Danaus plexippus), qui quitte chaque automne le Canada et le nord des États-Unis pour rejoindre le Mexique. Ce voyage de plusieurs milliers de kilomètres est un cas rare parmi les insectes, car la majorité d’entre eux ne sont pas capables d’un tel déplacement.
D’autres espèces ne cherchent pas à éviter l’hiver mais trouvent des moyens d’y résister. Une première solution consiste à mourir après avoir pondu des œufs protégés. Cette stratégie est courante chez de nombreux papillons, sauterelles et grillons. Avant de succomber au froid, les femelles déposent leurs œufs dans des endroits protégés : sous l’écorce des arbres, dans le sol ou à l’intérieur des tiges de plantes. Certains œufs sont enveloppés d’une coque protectrice, comme ceux de la mante religieuse (Mantis religiosa), enfermés dans une oothèque isolante.
L’hibernation et la diapause : des ralentissements physiologiques
Certaines espèces passent l’hiver sous leur forme adulte en adoptant un mode de vie ralenti. Chez les insectes, on parle de diapause, un état de dormance induit par des modifications hormonales en réponse à la réduction de la durée du jour. Contrairement à l’hibernation des mammifères, la diapause peut concerner tous les stades de développement : œuf, larve, nymphe ou adulte.
De nombreuses espèces comme la coccinelle se regroupent sous l’écorce des arbres, dans des anfractuosités rocheuses ou même dans nos habitations pour se protéger du froid. Il n’est pas rare d’observer des coccinelles en amas dans les recoins d’une maison, cherchant refuge contre le gel. Les mouches adoptent un comportement similaire, trouvant refuge dans les fissures des murs.
D’autres insectes, comme le morio (Nymphalis antiopa), un papillon nocturne, passent l’hiver sous forme d’adulte à l’abri sous l’écorce des arbres ou dans des tas de bois. Les papillons de nuit, quant à eux, survivent sous forme de chrysalide, suspendus aux branches ou enfouis sous la litière végétale.
Les adaptations physiologiques aux basses températures
Face au froid, certains insectes développent des adaptations physiologiques impressionnantes. Certains produisent des substances antigel, comme le glycérol ou le sorbitol, qui empêchent la formation de cristaux de glace dans leurs tissus. Cette capacité est particulièrement observée chez des coléoptères vivant en Alaska, capables de survivre à des températures bien en dessous de zéro.
D’autres réduisent leur taux d’hydratation pour minimiser le risque de gel. Un exemple remarquable est celui de Belgica antarctica, une mouche vivant en Antarctique. Ce minuscule insecte peut survivre en perdant jusqu’à 70 % de son eau corporelle, évitant ainsi la cristallisation fatale de ses fluides internes.
L’activité hivernale de certaines espèces
Si la majorité des insectes réduisent leur activité en hiver, certains restent actifs, en particulier lorsqu’un redoux survient. C’est le cas des bourdons terrestres (Bombus terrestris), qui peuvent être aperçus en plein hiver si la température remonte suffisamment. Dans les colonies d’abeilles domestiques, les ouvrières se regroupent en une masse compacte autour de la reine et produisent de la chaleur en battant des ailes. Elles consomment le miel accumulé pendant l’été pour subvenir à leurs besoins énergétiques.
Dans les milieux aquatiques, plusieurs espèces d’insectes continuent leur développement sous la glace. Les larves de libellules et de plécoptères vivent au fond des lacs et rivières, où la température reste stable autour de 0 à 4 °C. Leurs métabolismes ralentissent mais ne s’arrêtent pas complètement, leur permettant de poursuivre leur croissance jusqu’au printemps.
Les conséquences du changement climatique
Les hivers deviennent plus courts et plus doux en raison du réchauffement climatique, ce qui perturbe le cycle de vie de nombreuses espèces d’insectes. Certains, comme le papillon Belle-Dame (Vanessa cardui), profitent de cette situation pour étendre leur aire de répartition plus au nord. D’autres, en revanche, souffrent de cette variabilité climatique. Un hiver trop doux peut perturber la diapause et entraîner une reprise d’activité prématurée, causant une dépense énergétique excessive qui compromet la survie de l’individu.
Le manque de neige est un autre problème. Bien que cela puisse sembler contre-intuitif, une couche de neige agit comme un isolant thermique qui protège les insectes enterrés ou réfugiés sous l’écorce. En son absence, le froid intense peut directement atteindre ces refuges et réduire leurs chances de survie.
L’hiver et les insectes
Les insectes, malgré leur petite taille et leur apparente fragilité, ont développé des stratégies d’adaptation sophistiquées pour survivre à l’hiver. Qu’il s’agisse de la migration, de la diapause ou de l’adoption de mécanismes biochimiques pour résister au gel, chaque espèce a su s’adapter aux conditions climatiques extrêmes. Toutefois, les changements environnementaux liés au réchauffement climatique posent de nouveaux défis à ces organismes, obligeant certaines espèces à ajuster leur comportement ou leur répartition géographique.
Ainsi, la prochaine fois que vous vous promènerez dans une forêt enneigée, souvenez-vous que sous vos pieds, dans l’écorce des arbres ou même sous la glace d’un ruisseau, une multitude d’insectes attend patiemment le retour des beaux jours.